La grande histoire

L’histoire du quartier chalets-Roquelaine De la petite à la grande histoire Plusieurs habitants ont évoqué le quartier pendant la drôle de guerre, l’occupation et la libération. Voici quelques autres informations provenant non pas d’une mémoire vive mais d’une mémoire de papier constituée par les quotidiens La Dépêche et La Garonne. De petits événements qui ne sont pas sans importance Un cambriolage au 23 rue de la Balance en juin 1941 ; en octobre de la même année, prolongement « jusqu’au droit de la rue de la Balance » de l’égout existant rue des Chalets (toujours rien pour les rues transversales…) ; un incendie dans la boulangerie au 22 de la rue des Roziers en mai 1943. Quelques traces de réjouissances En avril 1943, la salle Concordia (31 rue de la Concorde, à ne pas confondre avec le café qui se trouve au 17) donne une matinée artistique au bénéfice de la Caisse Sportive du Concordia SC : Orchestre de l’Equipage, le comique Roblis, l’illusionniste Alphonso, Josepou et les Campeurs, pièce en un acte de Marcel Delmas. Autres informations plus caractéristiques du temps En septembre 1940, fondation d’un centre de rassemblement de jeunes écrivains à l’adresse de La Garonne. Ce quotidien, qui a remplacé le royaliste Express du Midi, est installé au 25 rue Roquelaine. Tous les organes de la presse toulousaine ont d’ailleurs leur siège dans les quartiers du siècle dernier compris entre boulevards et canal, et proches de la gare d’où l’on expédie les journaux. En novembre 40, un foyer pour étudiants orphelins ou victimes de guerre est fondé au 31 rue des Chalets, à l’emplacement de l’actuelle Casa de España. Les étudiants sont remplacés vers octobre 43 par 32 étudiantes de l’Institut Social. Etudiants puis étudiantes bénéficient de conférences symptomatiques de l’esprit du temps, dispensées par des penseurs traditionalistes (Armand Praviel, Palaminy), ou collaborateurs: l’abbé Sorel, à partir d’une conférence sur Goethe, fait une intervention pro-allemande en avril 43, quelques mois avant d’être assassiné par la Résistance (en décembre). La Gestapo s’est installée dans 6 immeubles toulousains réquisitionnés en divers points du centre ville et notamment rue des Chalets, à un numéro que l’on taira pour ne pas risquer de troubler ses actuels occupants. Les activités de cette antenne de la Gestapo ne sont pas rapportées. C.P. La barricade place Roquelaine Voici quelques autres informations provenant non pas d’une mémoire- vive mais d’une mémoire de papier constituée par les souvenirs de Jean Cassou, un des coordonnateurs de la Résistance du sud, Commissaire de la république, futur Conservateur du musée d’Art moderne : Une vie pour la liberté, Robert Laffont, Paris 19X1 ; et le livre de Jean Lvstèbe, Toulouse 1940-44, Perrin. Diverses plaques apposées dans le quartier rappellent des événements dramatiques : Les résistants fréquentaient le café Le Crystal au coin de la place Jeanne d’Arc (un des grands cafés des boulevards disparus aujourd’hui), tenu par Madame Shouver, belle-mère de Pierre Dac, l’humoriste qui fut speaker de la France libre. Il y séjourna avec Fernand Lefèbvre, commandant le groupe Lorraine. Une plaque indique que le n°25 de la rue du Printemps accueillit les FFI le 15 août 44 pour décider de « l’insurrection libératrice de la région« . Une troisième plaque signale que la rue d’Orléans a abrité le 19 août la réunion du Comité départemental de libération à laquelle assistait Jean Cassou. On lit dans ses mémoires : « A la fin de la journée une suprême réunion nous rassembla, un certain nombre de responsables et moi, dans les bureaux d’un établissement industriel, non loin de la gare. On entendait des coups de feu échangés dans la gare avec de derniers soldats allemands. J’ai rédigé en hâte et signé […] la proclamation que les Toulousains liraient demain sur les murs […]. J’avais levé la séance. […] L’auto de Courtinade m’emmena en compagnie de Cassagne et du fidèle Segaud […] nous allions traverser le boulevard de Strasbourg, un convoi allemand qui fuyait la ville, le dernier sans doute, nous arrêta net. […] C’étaient des Vlassof égarés (soviétiques anti-communistes incorporés dans l’armée allemande) qui s’efforçaient de rattraper le gros des forces allemandes en retraite. Pour nous, dans la nuit, c’étaient des Fritz comme les autres. Un groupe d’entre eux est descendu de son camion, nous a fait sortir de notre voiture et, selon un vieil automatisme nous a demandé: « Papiere, papiere« . Ils nous encerclaient, mousqueton en main. Je murmurai à Segaud : « Mais c’est à nous maintenant de leur demander leurs papiers ! » Il eut un petit geste de la main qui signifiait que ce n’était pas le moment de faire de l’esprit. Moi, je tournais le dos aux soldats qui nous encerclaient, lui il les voyait, et particulièrement celui qui, fouillant l’auto, en sortait avec un revolver qu’il avait trouvé sous les coussins. Les mousquetons s’abattirent sur nous, peut-être même y eut-il un ou deux coups de feu. Je tombai comme Chariot quand la matraque de quelque énorme policeman lui tape sur le crâne. Segaud, immédiatement, avait esquivé les coups de crosse, saisi un des mousquetons, rompu le cercle et avait filé par la première rue venue, avec un bras fracturé et une balle dans la cuisse. Les assaillants étaient repartis dans leur camion laissant là sur le pavé Courtinade et Cassagne tous deux morts et moi ne valant guère mieux. » Une plaque à l’angle du CRDP rend hommage aux deux morts. Toulouse était libérée le lendemain, mais des combats continuèrent. Les journaux signalent encore fin août que des miliciens, depuis les greniers des quartiers Arnaud Bernard, Concorde, Matabiau, Jaurès, tuent ou blessent plusieurs personnes (le lecteur se reportera au n°6 de la Gazette où Madame Bélile raconte comment son père lui a fait esquiver une balle qui aurait dû être fatale.). La police et les FFI doivent perquisitionner en septembre pour que les troubles cessent. Il faut imaginer un quartier sans lumière car l’éclairage public avait souffert des bombes et combats de rue. Plus que jamais sont utiles les façades cérusées qui réfléchissent la lumière de I’été finissant. Participant à la même

Naissance de la Résistance à Toulouse

L’histoire du quartier chalets-Roquelaine Naissance de la Résistance à Toulouse De 1996 à 98, La Gazette a publié un certain nombre d’articles racontant la Résistance, en faisant appel aux souvenirs des habitants du quartier (numéros 6, 11, 12 et 13). Habitant rue Roquelaine, monsieur Louis Vaquer, 93 ans, complète ici de ses intéressants souvenirs la grande histoire de cette période. Nous l’en remercions vivement. Silvio Trentin Editeur des livres de Magali*, au 7 rue Pharaon, Louis Vaquer fit partie des Forces Françaises libres dès la fin de 1940. Ce n’était alors que quelques efforts d’organisation à la base desquels se trouvait Silvio Trentin. Celui-ci avait été professeur de droit à l’université de Padoue, député socialiste au parlement italien, réfugié en France en 1926 pour fuir le fascisme. Il avait vécu péniblement avec sa famille dans le Gers et en 1934, il avait pu ouvrir une librairie rue du Languedoc. Pendant la guerre d’Espagne, cette librairie a été le rendez-vous de nombreux antifascistes, en particulier ceux des milieux universitaires. En 1940, c’est encore là que continuent à se rencontrer ces mêmes contestataires. * Magali : Jeanne Philibert (1898-1986), journaliste et romancière, était passionnée d’aéronautique et amie de Maryse Bastié. Elle a aidé des pilotes alliés à passer en Espagne. Maryse Bastié (1898-1952) célèbre aviatrice détentrice de records multiples. Commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire. Un premier groupe de résistants Fin 1940, Fernand Lefèbvre, pilote d’essai, arrive à Toulouse et prend contact avec Trentin et Louis Vaquer. Il participe avec Lendroit, mécanicien de Maryse Bastié (voir photo) devenu restaurateur rue Lafon, à l’organisation du passage en Espagne de personnes pourchassées et de volontaires qui cherchent à gagner l’Angleterre. Des aviateurs français et polonais ont déjà utilisé cette filière. De son côté, Boris Vildé* du groupe du Musée de l’homme vient à Toulouse en janvier 41. Il rencontre, chez Trentin, F. Lefèbvre et ainsi que le professeur Soula. Avec Trentin, Vaquer, Lefèbvre, Auban et quelques autres, il essaie de construire un premier groupe toulousain, lié à celui du Musée de l’Homme. Ils réussissent à imprimer et diffuser quelques tracts. Vildé repart à Paris avec Madame Lefèbvre. Ils arrivent à franchir la ligne de démarcation car Mme Lefèbvre se met à embrasser Vildé avec fougue ; le soldat allemand sourit et laisse passer. * Boris Vildé : 1908-1942 Né à Saint-Pétersbourg, il s’établit à Paris en 1932. Naturalisé français en 36, mobilisé au moment de la guerre, fait prisonnier en juin 1940, il s’évade. Il organise, avec ses collègues du musée de l’Homme, un programme d’action antinazie. Au début de l’hiver 1940, Boris Vildé part pour la zone Sud chargé de contacter des personnalités ayant passé la ligne de démarcation (Malraux est l’une d’elles). Une semaine après son retour à Paris en mars 41, les responsables du réseau sont arrêtés. Le 23 février 1942, Boris Vildé et six de ses compagnons sont exécutés par les Allemands au Mont Valérien. Pour en savoir plus : Journal et Lettres de prison, Paris, Allia 2001.  Naissance du réseau Bertaux Vers mars ou avril 41 naît et s’organise un groupe réduit à une quinzaine de personnes dont les ambitions sont plus précises que celles des précédents. Ce groupe sera homologué en 45 sous l’appellation  » Réseau Bertaux « . Ses buts : trouver un contact avec Londres, transmettre tous les renseignements possibles (psychologiques, économiques, militaires), aider aux passages vers l’Espagne, réceptionner des armes et des explosifs pour les sabotages, mais aussi des aides financières. Le groupe s’est organisé, répartissant tâches et responsabilités. La coordination et les relations ont été confiées à Bertaux, qui remplacera Cassou, blessé à la Libération, comme Commissaire de la République. La propagande relevait de Cassou et Hermann, les sabotages éventuels de Fausto Nitti, autre réfugié italien qui avait fait la guerre d’Espagne après s’être enfui des camps des îles Lipari, les renseignements et les fournitures étaient attribuées au syndicaliste chrétien Van Hove, l’organisation militaire à Bernard et Vaquer.  Proche de ce groupe, Louis-Marie Raymondis habitait rue Saint-Orens, il devint responsable départemental de Franc-Tireur, l’un des grands mouvement de résistance de la zone sud (fondé par J.P. Lévy). Jean Cassou, (1897-1986), ancien conservateur du musée d’Art Moderne de Paris, était venu à Toulouse au printemps 1941 après le démantèlement du réseau du Musée de L’Homme à Paris. Relire La Gazette n° 12 (hiver 97) et les mémoires de Jean Cassou Une vie pour la liberté, Robert Laffont, 1981. Pierre Bertaux, professeur de littérature allemande à la faculté des Lettres de Toulouse. Bertaux et Cassou, condamnés en 41, sortent de prison en 1943. Cassou reprend immédiatement ses activités clandestines, alors que Bertaux se met en retrait à la campagne. Succédant à Cassou grièvement blessé rue Roquelaine le 19 août, il devient commissaire régional de la République dans la nuit du 19 août 1944. Le dimanche 20 août, Toulouse se libère. La prison Le 11 septembre 1941 le premier parachutage eut lieu à côté de Fonsorbes. Avec un conteneur renfermant armes, cigarettes, argent, atterrit Mercier (Furet) , opérateur radio envoyé par Londres. Il put joindre Trentin, le seul nom qu’il connaissait. Celui-ci l’envoya chez L. Vaquer qui l’hébergea une huitaine de jours chez lui rue Mondran. Ensuite Mercier logea au Père Léon, place Esquirol. C’est au retour d’une convocation chez Bertaux qu’il fut arrêté ; il était surveillé depuis le parachutage. Très jeune, inexpérimenté, il donna des noms dont celui de Vaquer et de Daubèze*, vétérinaire à Auch. La police française arriva donc à 5 h du matin chez Vaquer et l’emmena dans une cellule d’isolement de la prison militaire rue Furgole. Dans la cellule voisine furent enfermé Cassou et Bernard. L’instruction dura de décembre 41 à juillet 42. L. Vaquer fut ensuite envoyé à la prison de Lodève où il devint infirmier grâce à l’appui d’un vétérinaire qui allait être libéré. Puis, lorsque les Allemands envahirent la zone libre, il fut transféré à Mauzac en Dordogne. Il fut libéré en 43 grâce à l’aumônier du… maréchal Pétain. En prison il avait rencontré Fausto Nitti qui connut

Jean phillipe commissaire

L’histoire du quartier chalets-Roquelaine Jean-Phillipe, Commissaire Nous avons vécu de façon un peu estompée le procès Papon (1998) : Bordeaux n’est pas si loin mais le temps a passé ; et puis on y a dit qu’il n’était probablement pas simple pour un fonctionnaire de prendre clairement position. Raison de plus pour saluer le courage et la détermination exemplaires dont fit preuve le commissaire Jean Phillipe au mois de janvier 1943. Il était plus spécialement chargé du 7ème arrondissement de police de Toulouse (Saint-Cyprien). Les Archives Départementales de la Haute-Garonne ont publié un fascicule dont sont extraits lettre et rapport ci-dessous : Le compte rendu de l’affaire, adressé à Vichy, signé du préfet régional de Toulouse Cheneaux de Leyritz, indique : «…L’Intendant régional de police [Danglade] prévenait aussitôt, par téléphone, M. le Directeur Général adjoint qui lui notifiait révocation de Philippe avec recherches immédiates et internement de l’intéressé ». Philippe a d’abord été recherché à Lourdes où il était allé le 13 janvier pour voir sa femme et sa fille adoptive qui s’y trouvaient. « Madame Philippe, interrogée, déclara ignorer totalement où était son mari et quelles étaient ses intentions. Le 16 janvier, le commissaire Dedieu effectuait au domicile de Philippe, 22 rue Leyde à Toulouse [maintenant rue du Commissaire Philippe], une perquisition qui demeurait sans résultat… Le dimanche 31 janvier, à 8 h 30 du matin, le chef de la sûreté allemande, le capitaine Retzek, téléphonait à l’intendant de police qu’il avait fait procéder dans la nuit, à Beaumont de Lomagne (Tarn et Garonne) à l’arrestation de Philippe, et que ce dernier, transféré à Toulouse, arriverait à ses bureaux dans la matinée vers 11 heures… [Philippe était] accusé d’espionnage contre l’armée allemande… 48 heures auparavant, la sûreté allemande avait pu, à Toulouse, sur instruction de ses services de Paris, arrêter un israélite strasbourgeois, ingénieur, répondant au nom de Damm, et trouvait à son domicile un courrier très important de renseignements divers, renseignements militaires, renseignements sur le stationnement des troupes, renseignements sur les réserves d’essence, prouvant très nettement les occupations auxquelles se livraient ce Damm, inconnu de notre police. Dans ce dossier était une fiche en carton, petit format, donnant l’adresse de Philippe à Beaumont de Lomagne, avec le mot de passe permettant de le toucher, alors que déjà la radio de Londres avait diffusé, pour brouiller les pistes, la bonne arrivée de Philippe à Londres, et en avait rendu compte. La Collusion entre Philippe et Damm est très nette, les renseignements recueillis … étant à peu près tous de décembre 42 et janvier 1943…» Jean Philippe (« Basset ») – Musée de la Résistance Philippe reste entre les mains des Allemands qui l’envoient à Paris, puis à Fribourg où il est condamné à mort par un tribunal militaire en mars 1944, et exécuté à Karlsruhe le 1er avril 44. Dans son livre Toulouse 1940-1944 (Perrin), Jean Estèbe étudie les réseaux de résistants. II indique notamment que le grand réseau Alliance était proche des services britanniques. « Spécialisé dans le renseignement militaire, le réseau s’implanta fortement à Toulouse. Son responsable local fut un temps le commissaire Philippe, radical et franc-maçon…» Jean Estèbe signale plus loin dans un chapitre consacré à l’après Libération, que « certains responsables majeurs de l’administration n’ont subi aucune peine judiciaire… Ainsi, les deux préfets régionaux successifs, Cheneaux de Leyritz et Sadon, ne passèrent pas en jugement. Certes, ils furent révoqués. Cheneaux s’enfuit d’abord en Espagne puis fit une seconde carrière dans les affaires… Les deux hommes…restèrent en liberté. » Sans commentaire. Les collègues de Jean Philippe, qui lui trouvaient souvent un air rêveur, l’appelaient parfois Jean de la Lune, Chapeau, Jean de la Lune! A. Roy Extrait de la Gazette N°13 – Printemps 1998 Pour en savoir plus : La maison, autrefois habitée par le Commissaire et sa femme, a brulé en partie le 22 janvier vers 9h30. Voici notre point de vue sur la situation. Voir les fiches sur Wikipedia de:Jean PhilippeJulie Jeanne Bouillane ©Atelier-Sham-Too

les job et les Pauilhac

L’histoire du quartier chalets-Roquelaine Les job et les Pauilhac Jean Bardou Jean Zacharie Pauilhac Une des nombreuses publicités art nouveau, signées Mucha Les job Le gymnase et la maison Léotard sont vendus aux Pauilhac en 1888. On trouve la famille Pauilhac dès 1866, dans les matrices cadastrales, pour la construction d’une maison probablement située à l’emplacement de l’hôtel Calvet (au 76 du boulevard de Strasbourg). Lors de la construction de l’hôtel actuel, des éléments de la maison initiale sont réutilisés au château de Cabirol à Colomiers qui appartient alors à la famille Pauilhac. En 1830, Jean Bardou, boulanger à Perpignan, à l’idée de confectionner des petits livrets contenant des feuilles prédécoupées qui permettent de rouler les cigarettes. C’est une invention assez importante car, jusqu’alors, les fumeurs étaient obligés de découper ces petits papiers carrés dans de grandes feuilles que l’on importait d’Espagne. Ce papier était d’ailleurs épais et rugueux, ce qui n’était pas très commode. Le succès de cette invention est très rapide, si bien que Bardou met son nom sur ces petits livrets pour éviter les imitations. On trouve d’abord ses initiales, séparées par une étoile, qui est ensuite remplacée par un blason. Le losange de J♦B est adopté un peu plus tard. Il est pris pour un O, si bien que les clients prennent l’habitude de dire JOB. Bardou s’associe à Zacharie Pauilhac en 1838 pour financer et approvisionner son entreprise en papier. Son invention faisant l’objet de contrefaçons à cause de son succès, il dépose en 1842 une marque sous le nom de JOB. Jean Bardou meurt en 1852, c’est son fils Pierre qui lui succède. Les usines se développant à Perpignan, Pierre y fait construire un magnifique hôtel, dont tout le décor intérieur et le mobilier ont été conservés de manière exceptionnelle. Côté Pauilhac, Jean-Zacharie décède en 1866, son frère Léon lui succède. Une nouvelle société naît en 1872 : Bardou, JOB et Pauilhac. La nécessité de s’approvisionner de manière régulière en papier conduit en 1872 cette société à souhaiter fabriquer du papier à cigarettes pour garnir les petits livrets. Une usine est construite entre 1872 et 1873 en Ariège, à La Moulasse, près de Saint Girons. Cette usine connaît un grand succès. Elle est actionnée par des turbines, mues par l’eau du Salat. Dès 1893, une usine hydroélectrique est construite à 2 km. C’est une grande nouveauté pour la région, puisque c’est la première fois que l’on aurait transporté de l’énergie électrique pour alimenter une usine dans les Pyrénées. (C’est là qu’Aristide Bergès a inventé la houille blanche pour les besoins de la papeterie familiale). En 1913, les maisons Bardou-Job et Pauilhac sont fondues en une seule société anonyme qui prend le nom de Société JOB, telle qu’on la connaît jusqu’à nos jours. Celle-ci s’intéresse aussi au tabac et aux cigarettes. Pour échapper au Monopole des Tabacs, des usines sont créées à l’étranger, Strasbourg, Zurich (1913), Alger (1913), Bastia (1924), Brazzaville (1948). En 1920, à Toulouse, des ateliers et des équipements sont créés dans le quartier pour confectionner les petits cahiers à partir du papier fabriqué à La Moulasse. Mais on achète encore le carton pour façonner les livrets. Ce n’est qu’en 1931 que l’on décide de fabriquer le papier fort destiné à leur confection. Pour cela, on construit l’usine des Sept Deniers, exemplaire par son architecture. C’est à la même époque que l’on reconstruit les ateliers du 4, rue de la Concorde et, à l’arrière, les bureaux du 17 bis, rue Claire Pauilhac. En 1960 démarre aux Sept Deniers la fabrication du papier couché haut de gamme, destiné aux impressions de luxe ; ce papier, qui démontre un savoir-faire assez exceptionnel, est maintenant l’objet de la fierté des employés, car la plupart des belles impressions ont été, depuis, réalisées en France sur ce papier. Dès que l’on voulait faire un beau livre, on faisait appel à JOB. Annie Noe-Dufour Article réalisé à partir de l’enregistrement sonore décrivant les personnages évoqués par Mme Noe-Dufour lors de la visite des hôtels particuliers du 72 et 74 boulevard de Strasbourg. Extrait de la Gazette N°26 – Eté 2001 Nous vous rappelons -après les nombreux articles parus dans la presse locale- que JOB a fermé définitivement ses portes le 14 avril 2001. Les salariés ont, heureusement, bénéficié d’un plan social “exceptionnel”. Près de la moitié des 163 salariés sont casés (57 « pré-retraites », 34 embauches à la Mairie ou au Conseil Général), les autres sont pris en charge par l’association Après-Job pour faire un bilan de compétence et trouver un stage de reconversion. Nous leur souhaitons de trouver rapidement un nouveau travail, et que celui-ci leur convienne. A.RoyEté 2001 Les Pauilhac En réalité, Les Bardou n’ont jamais été à Toulouse. Il y a tout de même des Bardou dans de belles maisons au Busca mais je ne sais pas s’ils font partie de la même famille, qu’on ne trouve plus dans le quartier des Chalets. Donc, Zacharie Pauilhac s’était associé à Jean Bardou pour fonder, en 1830, l’entreprise qui donnera naissance à la Société JOB (disparue en ce début d’année). On pense que les Pauilhac étaient originaires de Montauban. Zacharie va disparaître assez rapidement, et c’est son frère cadet qui lui succède à la tête de l’entreprise, jusqu’en 1890 où il meurt au château de Cabirol. C’est lui, Pierre (Léon, Jules) Pauilhac qui se marie avec Claire Pauilhac, que l’on connaît beaucoup mieux. Elle a laissé son nom à la rue dont la plaque la qualifie de bienfaitrice pour son comportement remarquable en faveur des pauvres. Un œuvre charitable importante donc, mais il semble aussi qu’elle tienne les rênes de l’entreprise jusqu’à sa mort en 1905. C’est à cette époque que vont se construire des éléments essentiels, notamment l’agrandissement de la maison Léotard, et toute la partie située à l’est (jusqu’à la rue Roquelaine). Claire Pauilhac a eu trois enfants, que l’on va retrouver sur les trois parcelles : Georges Pauilhac va construire l’hôtel Pauilhac (qui deviendra le CRDP dont la façade moderne masque l’hôtel ancien), la partie

leotard

L’histoire du quartier chalets-Roquelaine Jean et Jules Léotard Tout commence, non pas avec la société JOB, mais avec la famille Léotard. Jean Léotard est un gymnaste qui s’est formé à Paris aux côtés du célèbre gymnaste Amoros. Lorsqu’il revient à Toulouse en 1836, il est engagé comme professeur à l’Ecole Royale d’équitation, qui se situe au Jardin des Plantes près de l’enceinte de la ville. Il y devient le directeur du gymnase nouvellement créé. En 1856, il s’installe à son compte, et crée un gymnase au 14 de la rue du Rempart Saint-Étienne. Ce beau bâtiment, encore visible de nos jours, a été par la suite utilisé comme synagogue. Son établissement ne connaît pas un succès commercial immédiat, si bien que, dès 1859, Jean Léotard décide de s’installer au 4 rue de la Concorde. Dans ce nouvel établissement, on pratique des sports assez variés : l’escrime, le jeu de paume, la boxe, la danse… Sur la façade de cet immeuble, qui existe encore, on distingue, grâce au changement de couleur des briques, les modifications des ouvertures, qui sont intervenues au moment de la transformation du gymnase en dépendance de la fabrique JOB, puis en immeuble d’habitation. Léotard construit vraisemblablement à la même époque sa demeure, boulevard de Strasbourg, actuel n°72. Elle sera remaniée et agrandie par la suite par la famille Pauilhac ; le porche qui permet actuellement d’y entrer fait partie de cette extension. Léotard a un fils en 1838, Jules, qui deviendra un personnage étonnant. Il fait des études très correctes car il obtient son baccalauréat et envisage même des études de droit, mais, ayant toujours vécu dans un milieu de gymnastes, il se prend de passion pour le trapèze. C’est lui qui met au point la technique du trapèze volant. Il travaille sans filet avec trois trapèzes, lâchant l’un pour attraper l’autre. Grâce à son numéro, en 1859, il se fait engager par le directeur du cirque Napoléon, le futur Cirque d’Hiver. Ce jeune Léotard connaît rapidement une renommée internationale. On le voit à Berlin, au Cristal-Palace de Londres ou en Espagne… Son père le suit dans ses tournées car il participe à son numéro en lui lançant le deuxième puis le troisième trapèze. Pendant ce temps, Jean Léotard confie son gymnase à l’un de ses professeurs, Dardie puis J. Marty. Jules Léotard continue sa carrière internationale, et devient un personnage très important. Il va faire l’objet, de façon comique ou même caricaturale, de pièces de théâtre, le rôle principal lui étant consacré dans L’Amour au trapèze, et dans Les Amoureuses de Léotard. Plusieurs compositeurs écrivent des polkas ou des valses. Mais plus encore, il connaît la notoriété à travers la mode vestimentaire : on va parler de cravates, de cannes, de broches, de chapeaux dits à la Léotard. Ce personnage s’intéresse toujours au sport. A la fin du Second Empire (1868), on organise les premières courses de vélos dans la région parisienne ; dès 1869, à Toulouse, on donne des cours de vélo, au Véloce-Club Toulousain, qui a son siège rue de la Concorde. Les premières courses ont lieu à Toulouse la même année. Malheureusement, Jules Léotard connaît une fin tragique : à 32 ans, il meurt de la variole à Toulouse; on est en 1870. Jules Léotard est enterré au cimetière de Terre-Cabade. Sans héritier pour renouveler la concession, sa tombe est en cours d’expropriation. Le gymnase ferme ses portes, puisque c’est la guerre. Il rouvrira plus tard, toujours sous la direction de J. Marty. Le père, Jean, en est toujours propriétaire. Le Gymnase et la maison sont vendus en 1888, à la famille Pauilhac. Annie Noe-Dufour Article réalisé à partir de l’enregistrement sonore décrivant les personnages évoqués par Mme Noe-Dufour lors de la visite des hôtels particuliers du 72 et 74 boulevard de Strasbourg.     Références GARRIGUES Damien. Les deux Léotard, père et fils. Leur gymnase à Toulouse. Bulletin municipal, février 1936, n°2, p.109-125. LARTIGUE Pierre. La course aux trapèzes, Toulouse, Pierre Lartigue, 1980, p.129