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L’histoire du quartier chalets-Roquelaine au

18ème siècle

Plan du canal royal de Toulouse à Renneville - 1774
Plan du canal royal de Toulouse à Renneville - 1774

Reprenant à son compte la vieille idée de réunir Atlantique et Méditerranée, Riquet démontre que les eaux disponibles dans la Montagne Noire sont suffisantes pour alimenter un canal entre Toulouse et Agde. Persuadant Colbert de sa capacité à mener à bien une telle entreprise, il obtiendra l’adjudication des différents lots composant le canal et des ouvrages qui en permettront l’accès. Il deviendra, d’ailleurs, propriétaire du fief créé à l’occasion qui inclura toutes les installations concernant le canal, et donc le territoire où le canal est creusé ainsi que les francs-bords, soit une largeur courante d’une soixantaine de mètres. Cette parcelle définit la dernière frontière du quartier, fermant ainsi le quadrilatère ébauché par les remparts et les « faubourgs » Arnaud Bernard et Matabiau (voir la Gazette n°14). Il s’en est d’ailleurs fallu de peu que le tracé passe plus près de la ville, voire sous le rempart. Mais les Toulousains, un peu méfiants vis-à-vis d’un projet aussi novateur, ont préféré l’éloigner un peu.

Les travaux commencent à Toulouse le 1er janvier 1667, et sont menés tambour battant : 7200 travailleurs (dont 600 femmes) creusent, déblaient, transportent la montagne de terre pour ouvrir la première tranche. En mai 1668 le canal rejoint la rigole qui amène les eaux de la Montagne Noire, la mise en eau a lieu en janvier 1670.

Les ouvrages d’art dans le quartier sont peu nombreux : une écluse au niveau des faubourgs, qui vont du rempart au-delà du canal grâce à un pont. Chacune de ces écluses sera dotée, dans le courant du 18ème siècle, d’un moulin situé sur une dérivation à gauche en descendant vers la Garonne.

Riquet meurt en 1680 avant l’achèvement de la deuxième partie et son fils lui succède.

A partir de 1681 le trafic s’organise rapidement, à l’aide des « barques » appartenant, au début, exclusivement au canal. Le vin et les alcools constituent l’essentiel du trafic « montant» vers Toulouse, une grosse part continuant jusqu’à Bordeaux par le fleuve. Dans l’autre sens on trouve surtout des céréales qui vont vers les ports méditerranéens.

Mais il existe aussi un trafic plus local, constitué d’huile, de savon, de poisson séché, de vêtements, et de produits de consommation diverse.

Il y a également pour les voyageurs une barque de poste qui fait des aller-retours entre Toulouse et Castelnaudary. On embarque au port Saint Étienne, qui, trop petit pour le trafic, sera doublé par le port Saint Sauveur. Au-delà, on doit changer de bateau, plusieurs fois si on veut poursuivre son voyage jusqu’à la mer.

 

Carte du canal royal de la province de Languedoc/Garipuy

Dans l’autre sens, pour aller vers Bordeaux, il faudra attendre 1852 pour que le canal latéral permette des trajets moins aléatoires que la Garonne, au cours irrégulier. Le trafic global du canal du Midi a d’ailleurs souffert de l’absence de continuité entre Bordeaux et Sète, empêchant le développement des échanges internationaux espérés initialement.
Pourtant la région en général a connu au 18ème siècle un développement important de sa prospérité, dont une partie relève probablement des facilités offertes par le canal, continuellement bénéficiaire. Toulouse s’est, pour sa part, étendu du côté de Saint Etienne, en construisant entre la ville d’alors et le port des entrepôts s’étendant de l’emplacement actuel de la rue Caraman jusqu’au pont de Saint Sauveur. Mais quels bénéfices notre quartier a-t-il pu en retirer ?

A priori peu de choses: au vu des plans, il semble que l’urbanisation se renforce le long des chemins menant à Montauban et Albi. En revanche on distingue peu de nouveaux bâtiments à l’intérieur; le magasin à poudre de la rue de la Concorde (emplacement actuel des n°71-73) fait pendant au magasin à tabac situé près de l’écluse Bayard. Sur le plan de ville ci-dessus (1774) on distingue des arbres plantés le long du canal. 

Le quartier semble s’être endormi à l’abri de sa nouvelle frontière : les chemins vers Launaguet (rues actuelles de la Balance, des Chalets et même du Printemps), ceux vers Aucamville (rue de la Concorde principalement) ont été coupés par la voie d’eau, et ne joueront plus de rôle moteur pour le développement urbain. Les passerelles pallieront beaucoup plus tardivement (20ème siècle) cette interruption, visant plus à relier l’urbanisation naissante au-delà du canal à la ville que l’inverse.

Le quartier restera avant tout un secteur de jardins, comme au siècle précédent, et deviendra ainsi une sorte de réserve foncière pour le siècle suivant.

A. Roy

Extrait de la Gazette N°15 – Automne 1998